Entretien avec Sébastien Jumel, maire de la ville de Dieppe
Sébastien Jumel, lors de vos vœux à la population, vous avez dit vouloir veiller à ce que Dieppe ne soit pas une zone sans projets structurants. Le projet de parc éolien en mer en est-il un ?
Avant d’être un projet, c’est un enjeu. Cela ne peut échapper à personne : nous sommes face à une double urgence énergétique qui suppose des décisions rapides pour changer la donne. La première urgence, c’est de réduire les émissions de gaz à effet de serre dont les conséquences sont dramatiques sur le climat et, au final, sur la vie des hommes. La seconde urgence, c’est d’assurer, dans la perspective de l’épuisement des ressources fossiles, la réponse à nos besoins.
Nous sommes favorables à une politique qui active plusieurs leviers : celui des économies d’énergies, avec d’importantes marges de progression, et celui de la production d’énergies qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. C’est le sens de notre position en faveur du mix énergétique : éolien, solaire, nucléaire.
Notre avis sur le projet éolien offshore s’inscrit dans ce contexte. Il représente un projet important sur le plan local, s’il est inscrit dans une filière industrielle de production locale : en clair s’il crée de l’emploi en France pour fabriquer les éoliennes par exemple au Havre, pour assurer leur pose et leur maintenance, à Dieppe.
Nous vous savons très vigilant sur la question de la pêche et de son devenir. Quelles sont vos attentes précises sur ce point ?
Nous refusons d’opposer une activité à une autre. La pêche ne peut pas être la variable d’ajustement d’un autre projet. Ce n’est pas le sens que nous donnons au développement durable. La pêche dieppoise est une pêche artisanale, responsable de la ressource, inscrite dans une filière courte. C’est tout sauf du folklore ! Elle fait vivre des centaines de personnes et en nourrit des milliers d’autres. Il ne peut être question de la sacrifier. Nous demandons donc des garanties sur l’avenir de la pêche et la préservation des zones de pêche. Pour cela, je ne connais qu’une méthode : dialoguer avec ceux dont c’est le métier, l’engagement au quotidien. Je suis persuadé qu’on peut trouver des solutions qui permettent aux deux activités de cohabiter. J’irais même plus loin : le projet éolien devrait être un atout pour moderniser la filière pêche, fragilisée notamment sur le plan de ses coûts énergétiques.
Les pêcheurs ont fait une proposition : localiser le projet ailleurs sur la côte, à l’ouest du chenal de Dieppe, pour préserver la zone de pêche. Cette demande me semble fondée. Elle doit être expertisée. Or elle n’a pas été examinée. J’ai écrit en ce sens à plusieurs reprises à Ségolène Royal et c’est le scénario que nous allons plaider le 3 mai au ministère de l’Environnement.
Le dialogue jusqu’alors constructif avec les pêcheurs connaît des difficultés depuis le débat public. Que pensez-vous de cette situation ?
Pour dialoguer, il faut s’entendre ! Or les pêcheurs ont eu le sentiment, légitime, que le débat était joué d’avance et que leur parole n’avait pas de poids. Leur engagement, leur expertise a été balayée. La démocratie, ce ne peut être le règne des experts qui pensent à nous pour tout. C’est une forme de mépris qui ne peut que braquer. Les pêcheurs sont des gens intègres, parfois rudes, parce qu’ils font un métier dur, mais il est toujours possible de discuter. Il est encore temps de renouer le dialogue en apportant des garanties sur l’avenir de la pêche.
Qu’attendez-vous de ce projet en termes de retombées pour la ville de Dieppe ?
Pôle d’équilibre régional, Dieppe s’est déjà positionnée avec son port sur les trafics liés à l’éolien. C’est aussi une ville d’énergies dans tous les sens du terme et notamment industriel, avec une filière de formation et de production, que l’on retrouve par exemple dans la grappe d’entreprises Méca-Énergie. Le projet doit prendre appui sur nos atouts : culture industrielle, infrastructures, formations… Il doit permettre d’aller plus loin avec la structuration d’une véritable filière industrielle Made in Normandie.
Dans ce cadre, nous souhaitons logiquement accueillir à Dieppe le centre de maintenance et pouvoir chiffrer les dizaines de créations d’emplois qui vont avec. C’est clair : pas question pour nous de servir de décor sans retombées pour l’économie et l’industrie locale.
Comment peut-on résumer votre position sur ce projet ?
Je n’ai pas changé ! La position de principe de la Ville, je l’ai écrite dans le cahier d’acteurs avec mes adjoints et conseillers municipaux, Lucien Lecanu, Dominique Patrix et Frédéric Weisz, des personnes aux sensibilités politiques et écologiques différentes, mais d’accord sur un point : l’urgence c’est la lutte contre le réchauffement climatique. Mais ce n’est pas parce qu’un projet répond à cet enjeu qu’il est acceptable si par ailleurs il fragilise d’autres écosystèmes comme celui de la pêche.
Consulter le cahier d’acteurs de la ville de Dieppe pendant le débat public.
Note du maître d’ouvrage : la question de la zone alternativeLa zone du parc éolien en mer constitue l’un des invariants du cahier des charges du second appel d’offres (AO) « éolien en mer » de l’Etat, remporté en juin 2014 par la société Eoliennes en Mer Dieppe Le Tréport (EMDT). C’est pour cela que le maître d’ouvrage ne réalise pas d’étude de cette zone. Un changement de zone aurait pour conséquence la remise en cause de l’ensemble de l’appel d’offres numéro 2 (parc de Dieppe-Le Tréport et des îles d’Yeu et de Noirmoutier). |
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